Tel est le titre de l’ouvrage sur la corrida de Isabelle NAIL dont la parution est annoncée pour le mois de mai.

Ce livre dédié «aux protestataires abolitionnistes de la corrida » a le mérite de non seulement dénoncer la corrida, ses manipulations et ses réseaux, mais aussi de témoigner d’un engagement personnel. Il replace avec talent la prise de conscience et la volonté de dénoncer et d’agir dans le quotidien et l’expérience d’Isabelle NAIL : à l’époque, conseillère municipale à la mairie de Dax, militante anti-corrida, membre et élue d’EELV, auteure, praticienne de la psychologie analytique.

Une préface signée du professeur Hubert MONTAGNER ouvre l’ouvrage. Un texte fort dont nous citerons quelques lignes qui trouvent un écho particulier au vu de la récente actualité du statut des animaux domestiques : « Considérant le ressenti ou le sentiment de souffrance, il est incroyable qu’en 2014 on ignore, sous-estime, « dénature » ou rejette une réalité scientifique : l’organisation et la fonctionnalité du système nerveux sont les mêmes chez tous les Mammifères, en particulier celles des organes sensoriels, des structures nerveuses centrales, des réseaux inter-neuronaux qui sont impliqués dans la douleur et la souffrance. Autrement dit, alors qu’il ne parle pas et ne peut donc verbaliser sa souffrance, le taureau a vraiment mal et souffre réellement lorsqu’il est percé par les piques et les banderilles, puis transpercé par l’épée qui l’exécute. Comme tous les Mammifères atteints dans leur chair, y compris l’Homme. En contact permanent avec toute la gamme des souffrances humaines, et souvent confrontés à la maltraitance des animaux sauvages, domestiques, de compagnie ou familiers par des humains, les responsables politiques et les magistrats ne peuvent sous-estimer, négliger ou ignorer cette évidence : le taureau est un être sensible et de souffrance… comme tous les mammifères, y compris évidemment les êtres humains. »

Une des multiples richesses de ce livre est de savoir aborder la problématique de la corrida sous des angles aussi différents que complémentaires qui trouvent leur origine dans l’expérience et la formation personnelles d’Isabelle NAIL. Le point fort qui en découle réside en sa diversité : grâce à ces angles multiples, on passe d’une analyse psychologique fouillée des motivations des aficionados à une évocation de la mythologie, de l’histoire de la corrida. Des considérations « théoriques » contrebalancées par l’évocation du parcours personnel de l’auteure ou les descriptions précises et circonstanciées des actions militantes où elle a pu mettre à l’épreuve du terrain ses convictions abolitionnistes.

Et les occasions de mettre ses convictions à l’épreuve du quotidien dans une ville considérée comme une place-forte de la corrida, Dax, n’ont pas manqué ! Dès qu’il a été connu, l’engagement anti-corrida d’Isabelle NAIL est venu singulièrement compliquer ses responsabilités d’élue municipale dans une mairie où Gabriel BELLOCQ, le maire de Dax, est également président de la commission taurine. Son engagement et sa détermination à dénoncer les pratiques sanguinaires et violentes de la corrida, au coeur d’une ville de premier plan, et en tant qu’élue municipale, ont transformé Isabelle NAIL en une cible permanente d’attaques directes ou indirectes. Sa participation à une manifestation d’opposition à la corrida organisée à Dax amenant même le maire et premier aficionado de la ville à l’exclure (ainsi que deux autres conseillers et élus anticorrida) de la majorité municipale !

Sur cette question , ainsi que sur les pressions subies, Isabelle NAIL nous livre son vécu, son ressenti. A ce titre également, “Ni art ni culture”est un ouvrage important de part la qualité de son témoignage et sa dénonciation de la “chape de plomb” tauromachique pesant sur les esprits trop libres et critiques dans ces villes dites « de sang », où la corrida survit encore grâce au soutien d’élus et notables locaux usant et abusant de leurs réseaux et pouvoirs. Un exemple récent en est encore donné dans un chapitre entièrement consacré à la conférence du professeur Hubert MONTAGNER à Dax et intitulé avec à-propos “l’impossible conférence”

Un chapitre est également consacré aux « outrances », ces exagérations, manipulations, accusations et contre-vérités parfois insultantes voire diffamatoires utilisées par les défenseurs de la corrida pour tenter de décrédibiliser leurs contradicteurs ; chapitre particulièrement d’actualité tant ces outrances sont désormais intégrées au discours « officiel » de certains représentants du monde tauromachique (on pensera évidemment à André VIARD et à l’ONCT, spécialistes en la matière, mais ce ne sont pas les seuls, loin de là…). Ce chapitre se fait ainsi l’écho d’une citation de Yves PRIGENT ouvrant le livre : « Cependant, comme du diable, on pourrait penser que l’habileté du Mal consiste à laisser croire qu’il n’existe pas ».

Toujours ancrée dans l’actualité et l’engagement militant, Isabelle NAIL conclut son ouvrage par une évocation du procès de Dax. Ce procès a vu les représentants de trois associations liées à la protection animale et à la lutte contre la corrida, dont le CRAC Europe en la personne de son président Jean-Pierre GARRIGUES, se voir accusés d’organisation de manifestation illégale, de mise en danger de la vie d’autrui (des manifestants ayant utilisé des fumigènes…) et d’avoir gravement insultés des aficionados en les traitant de « sadiques » ou de « barbares ». Le témoignage d’Isabelle NAIL, qui a assisté au procès et a pu ainsi juger sur pièces des arguments, de l’attitude et du discours des uns et des autres, accusés et plaignants, est un élément précieux pour mieux comprendre la réalité des manœuvres d’organisations et groupes de pression tauromachiques.

La postface est écrite par le sociologue Michel BON, dont on citera les première lignes résumant parfaitement sa position sur le sujet (et la nôtre) : “Voici un livre étrange et complet qui réunit l’érudition et l’amour. L’histoire du taureau à travers les différentes cultures va de sa déification à sa mise à mort sadique publique de nos jours. C’est ce qu’on appelle le progrès !”.

On ne peut que saluer le travail effectué par Isabelle NAIL, la vitalité de son écriture, l’importance d’avoir ainsi un témoignage précieux, la profondeur de ses analyses et rappels mythologiques, historiques ou psychologiques. Et son honnêteté à citer scrupuleusement toutes ses sources, renvoyant ainsi à nombre de liens, d’articles, d’ouvrages qui pourront également nous enrichir.

Dès la parution de “Ni art ni culture” la FLAC vous informera sur les possibilités de l’obtenir.

En complément, un entretien avec Isabelle Nail :

Pourquoi ce livre ?

« En réponse à la demande de Laurent des éditions Astobelarra au Pays Basque… Laquelle s’est trouvée en synchronicité avec ma rencontre via mon premier article « Être ou ne pas être aficionado » avec La FLAC (Thierry, JPaul, Joël, Hubert Montagner), avec l’actualité, avec l’impossibilité d’être entendue par le maire et le conseil municipal de Dax (sauf les deux autres écolos, Sylvie Laulom et J.Marie Vignes), avec la confirmation de la position d’EELV sur la corrida et son soutien aux trois élus après la manif à Dax, avec ma propre évolution et le sentiment d’avoir quelque chose à en dire (notamment en qualité de praticienne de la psychologie analytique par rapport aux enfants et aux jeunes) et de participer ainsi à la lutte pour l’abolition et donc le respect de la vie.

Alors, que j’avais toujours dit que je n’écrirai pas sur la corrida ! »

Pouvez vous nous résumer vos écrits et ouvrages précédents ?

« J’ai commencé à écrire dans l’enfance… et lu intensément depuis toujours.

  • 1999 : Heurtebise, roman, Les 2 Encres (une intrigue policière autour du mystère d’un domaine abandonné en Bretagne…)
  • 2001 : Le châtiment, roman, Les 2 Encres (un drame dans la vie d’un médecin de campagne, en Anjou à la fin du XIXè siècle).
  • 2005 : Bleu horizon, roman, Cheminements (suite du précédent mais pouvant se lire indépendamment : Rose dans la tourmente de ses sentiments puis dans celle de la guerre 14-18 qui décime les hommes de la famille).
  • 2008 : Au vent de la guerre, théâtre, Le Solitaire (adaptation du roman précédent). Pièce mise en scène par mes soins et jouée dans les Landes et au Pays Basque.
  • 2008 : Vertiges, les chemins d’illusion, roman, L’Harmattan (années 1970, depuis St Malo, une jeune écorchée vive suit un groupe de jeunes hippies jusqu’au Larzac… où le groupe se sépare… certains prenant la route de Katmandou).
  • 2011 : Libertad, théâtre, Le Solitaire (années 1940, un jeune homme part en cavale à travers France et Espagne, pour fuir le STO et s’engager dans la marine à Casablanca, après de longs mois dans les geôles espagnoles).
  • 2014 : Se connaître à travers la psychogénéalogie, les racines de l’être, Dervy. »

Comment vous est venu cet engagement contre la corrida ?

« Je le raconte dans le livre, après la vision d’une corrida à Arles, et avec la montée du CRAC, relayée par les réseaux sociaux… »

Pouvez vous nous décrire (à ) Dax aujourd’hui ?

« Je dirais que la corrida tient une grande place chez les aficionados qui tendent à faire croire qu’elle est une tradition landaise et dacquoise, attendue par les vrais natifs, les touristes et curistes… Je me demande aujourd’hui si la position des antis ne renforce pas chez eux le sentiment d’avoir à défendre encore davantage leur « culture »… L’année passée a vu nombre de conférences, expos, manifestations (dont le centenaire des arènes) autour de cette pratique. Fresque géante sur le mur des corrales, photos géantes de taureaux sur le mur des arènes… sculptures dans le parc des arènes (Théodore Denis).»

Une dernière déclaration ?

« Nous assistons à Dax à une véritable répression de la parole et des manifestations anticorridas, sous des allures de tolérance. Le maire rappelant dans le journal Sud-Ouest et au cours des séances du conseil municipal, son ouverture à toutes les sensibilités qui s’expriment au sein de sa majorité. Foutaises destinées à redorer son blason.

Ancien psychologue de l’éducation nationale, le maire a entériné l’accès gratuit des arènes aux enfants, ainsi que les initiations à la corrida… Parmi les adjointes ayant aussi adopté cette proposition, une directrice d’école primaire…

La Maison des adolescents n’a pas souhaité signer une pétition en faveur de l’interdiction des corridas aux enfants, nous accusant de prosélytisme. Idem pour l’Amicale dacquoise. Idem pour nombre de travailleurs sociaux du secteur (qui emmènent leurs enfants à la corrida. Certains moniteurs-éducateurs spécialisés emmènent les enfants visiter les arènes…) »

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